ÉCRITURE

ALZHEIMER SOCIAL chronique gossage

ESSE no.42 (hiver 1999) (printemps-été 2001)


LA BELLE ÉPOQUE

—Djo, tu trouves-tu qu’on vit dans une belle époque?
—On vit plutôt à une époque triste et inquiétante.
—T’é sombre.
—Comment tu veux pas être sombre, on vit une époque où la pauvreté est de plus en plus grandissante et où les quelques riches s’associent pour devenir de plus en plus riches.
—Tant qu’à ça.
—Pis y a la pollution.
—Y m’semble qu’on dépollue de plus en plus.
—On a atteint le point de non-retour pis c’é pas parce que c’est pu à mode d’en parler que ça existe pu. La mer, la terre et l’espace sont bourrés de déchets nucléaires dangereux pour cent mille ans pis ça arrête pas, y a encore plein de centrales nucléaires. La couche d’ozone est attaquée, y a de plus en plus de chars pis de produits faits avec du pétrole. Y nous font des accroires avec la dépollution. Sais-tu ce qu’ils avaient proposé pour dépolluer le Canal Lachine?
—Non, quoi?
—De sceller le fond en mettant une épaisse toile de plastique étanche, pis de faire comme si de rien n’était. Youpi! on peut r’commencer. Toute une façon de régler un problème, d’autant plus que les toiles, on devrait savoir en tant que montréalais que ça dure pas très longtemps et que c’é pas une solution.
—Tant qu’à ça.
—C’é pas tout, on vit à une époque où c’é de plus en plus dangereux de manger de la viande parce les animaux sont nourris de leurs propres excréments, boustés aux hormones et shoutés aux antibiotiques.
—Oui, j’ai vu un reportage là-d’sus. Entre autres, les poulets qui sont nourris à 75 % de leur excréments, pis les poulets de grain, c’é souvent les mêmes poulets dont on met de la teinture dans leur bouffe deux semaines avant de les tuer pour que leur chair soit un peu plus brune.
—Pis les vaches folles, c’é pas une invention. Pis les boeufs auxquels y donnent des hormones afin qu’y grossissent plus vite. Y avait un producteur québécois qui disait l’autre jour à la télévision, qu’y savait que c’était nocif pour le consommateur, mais qu’y avait pas le choix si y voulait rester compétitif. Sais-tu que nos enfants grandissent et se développent prématurément dû au fait qu’ils consomment des hormones contenues dans la bouffe?
—T’é pas sérieux.
—Très sérieux, pis j’va t’en dire une autre : ça d’l’air que quand on meurt, on se décompose plus lentement maintenant à cause de tous les agents de conservation qu’on a bouffés dans notre vie.
—C’t’une farce?
—Pantoute, mais on parlait de viande; y a aussi le poisson, le poisson qui contient du mercure.
—Une chance qu’y reste des fruits pis des légumes.
—Tu te trompes, c’est difficile de trouver des fruits et des légumes qui ont pas été modifiés génétiquement et qui ont pas été cultivés avec des engrais chimiques et arrosés de pesticides.
—Y reste pu grand chose.
—Comme tu dis, même l’eau contient du poison. Le fluor, on s’en servait pendant la guerre pour tuer du monde. C’é des surplus de guerre qui ont donné l’idée à des industriels de mettre ça dans la pâte à dent et de dire que ça prévenait la carie.
—Peut-être que ça prévient vraiment la carie.
—Voyons donc, c’é du poison.
—Oui, mais à tellement petite dose.
—On en ingurgite quand même à tous les jours. Pis ça fait l’affaire des compagnies de produits pharmaceutiques.
—Effectivement.